LE COMBAT DE PRAUTHOY LE 28 JANVIER 1871.

Nous sommes en 1871, et la guerre franco-allemande bat son plein. Un groupe de corps francs composant la deuxième brigade de "L'Armée des Vosges", commandé par le colonel Lobbia se rend à Langres en vue d'être lancé dans les Vosges (cet événement ne se réalisera pas, suite à l'Armistice du 1er février 1871.). En attendant l'ordre de partir vers l'est, ces volontaires sont envoyés dans la région pour inquiéter les détachements ennemis qui la traversent et mettent à sac les villages, (réquisitions etc…) pour, semble-t-il faire le vide autour de la place de Langres qui redoute un siège. Ces volontaires, en collaboration avec des compagnies du 50ème de ligne, s'attachent à couper les communications de l'ennemi, enlèvent des convois, tuent quelques hommes, font des prisonniers. Escarmouches, embuscades ont lieu dans les villages de la région. Le 26 janvier 1871, le colonel Lobbia apprend qu'à Prauthoy , vient d'arriver une colonne de 800 Prussiens avec 30 cavaliers. Il décide d'aller les attaquer dans la nuit du 27 au 28 janvier 1871.

C'est donc à Prauthoy que va se livrer un des derniers combats de toute la guerre (d'après Trochon, il dura de sept heures moins le quart à dix heures et demie). Un peloton de Francs tireurs (Jonzac, Charente), plus d'autres "petits" corps francs et deux compagnies du 50ème de ligne (cantonnées dans la région d'Aujeurres) s'associent, formant un groupe d'à peu près 600 hommes.

Dans son rapport au "Citoyen général commandant supérieur de la place de Langres", le Colonel d'état-major Lobbia, commandant la deuxième brigade, résume le combat de Prauthoy du 28 janvier 1871.

"Mes éclaireurs m'assurèrent qu'il n'y avait que 800 hommes d'infanterie, 30 cavaliers, et pas d'artillerie".

"Ainsi que je vous en ai donné avis, je résolus de les surprendre et de les attaquer dans la nuit du 27 au 28 janvier". Le 27 au matin, Lobbia rencontre à Aujeurres, le capitaine Paris avec une compagnie du 50ème de ligne qui manifeste le désir de prendre part à l'attaque de Prauthoy; Le capitaine Masse qui est à Leuchey avec une autre compagnie du même régiment, d'abord réticent, accepte de concourir après que le Commandant supérieur de la place de Langres lui ait donné son autorisation.

Le lieu de l'attaque, à Prauthoy, doit être à l'entrée sud du village, où le terrain s'élève, dominant le village à une portée de fusil.

Dans son rapport de plusieurs pages, Lobbia précise que cette action devait se dérouler "au pas de charge sans brûler une cartouche": envahir le village, occuper les voies de communications, cerner le pays avec l'aide de la cavalerie, et empêcher la fuite des Prussiens. Hélas, les deux compagnies du 50ème de ligne, contrairement aux ordres donnés de pénétrer la baïonnette" commencèrent le feu à 3 ou 400m du village "dépourvu de sentinelles et d'avant-postes". Suite aux coups de feu, les Prussiens se précipitèrent dans les maisons qu'ils avaient préparées pour la défense, et répondirent par une très vive fusillade.

Face à cet imprévu, Lobbia doit changer de stratégie. Après des essais désastreux, il se décide à effectuer un mouvement tournant autour du village. Mais, "Vu ce mouvement tournant, les Prussiens abandonnent Prauthoy par la route de Maatz, laissant dans nos mains quatorze voitures contenant du pain, de l'avoine, de l'eau-de-vie, une grande quantité d'objets volés, 200 fusils, leur comptabilité, leurs timbres, la caisse avec 1,500 thalers, un fourgon de munitions, un fourgon d'ambulance, quatorze chevaux, et enfin, 73 prisonniers. Nous avons pu constater alors que nous avions affaire au 2ème bataillon du 8ème régiment d'infanterie poméranien N°61"

Dans son bilan, Lobbia écrit "nos pertes s'élèvent à 49 morts et 62 blessés. Celles des prussiens à 24 morts et 26 blessés que nous avons relevés sur le terrain, sans compter deux voitures de morts ou blessés qu'ils ont emmenés".

En conclusion, le colonel écrit dans son rapport "les troupes sous mes ordres, y compris les deux compagnies du 50ème de ligne, n'ont fait dans cette circonstance leur devoir qu'à demi. Si elles l'eussent fait entièrement, aucun Prussien ne se fut échappé. Je n'ai aucune action d'éclat à vous signaler. Toutefois, je suis content de ma brigade, et j'espère qu'à la prochaine occasion elle saura se distinguer davantage. "

Les soldats français tués au combat du 28 janvier 1871, ou bien morts à Prauthoy des suites de leurs blessures, furent enterrés au cimetière communal. Quelques années après la guerre, leurs restes furent transférés dans le nouveau cimetière où ils reposent encore aujourd'hui. Un monument, du à la piété patriotique des habitants a été érigé sur leur tombe commune. Une large dalle supporte une pyramide quadrangulaire de près de cinq mètres de haut dont le socle porte les inscriptions suivantes : Face principale côté sud : Ici reposent les corps de XXXIX soldats français tués en repoussant victorieusement l'ennemi dans le combat du XXVIIIJanvier MDCCCLXXI. Sur le côté est : Obtulerunt animas suas (Judic., V) (Ils ont offert leur vie). Et au-dessous, Gratiam et gloriam dubit Dominus (PS., 83) ("Grâce et gloire leur donnera le Seigneur"). Sur le côté ouest : Aux défenseurs de la patrie. Hommage des Habitants VII Septembre 1873.

 

Bibliographie.

Henri Cavaniol "L'invasion de 1870-71 dans la Haute-Marne" .Publié en 1873, à Chaumont.

Paul Trochon "Souvenirs d'un Franc-Tireur en 1870-1871" . Publié en 1901 à Paris par Plon-Nourrit et Cie. Ce livre a été déposé au ministère de l'intérieur (section de la librairie) en octobre 1901.

L.E. Marcel (Chanoine, docteur en théologie et ès lettres, lauréat de l'Académie française, ancien inspecteur diocésain, ancien curé de Prauthoy) "Les Allemands à Prauthoy (Haute-Marne)" . Fascicule de 35 pages, publié par l'Imprimerie Champenoise de Langres en 1945.

Baudach (Capitaine allemand, chef de compagnie) "Le 8ème régiment d'infanterie poméranienne, N°61, depuis sa fondation, jusqu'à la fin de 1873"

Docteur Pierron médecin-major de 1ère classe, médecin chef de l'hôpital militaire de Langres.

Archives de l'état civil de Prauthoy. Relevés réalisés par M. Depetasse, instituteur et secrétaire de Mairie.

Note : Dans son livre, Paul Trochon (il participa au combat de Prauthoy le 28 janvier 1871) critique ( annexe N°9 page 296) le récit du Capitaine Baudach (son livre, pages 53 à 74) qui, d'après lui, contient des inexactitudes qualifiées de "pure fantaisie".

Jean Rigollot.

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